Au-delà des cheptels et éleveurs concernés, la transhumance contribue à l’aménagement de l’espace et à l’entretien de larges espaces souvent utilisés pour le tourisme estival comme hivernal (ski): à titre d’exemple, les estives pyrénéennes couvrent une surface de 550 000 hectares dont 70 % sont situées en zone Natura 2000, par la faune et la flore exceptionnelles qu'elles abritent.
Une relance pastorale contemporaine
Le pastoralisme a connu des évolutions contrastées au XXe siècle. Menacé par l’exode rural, par l’abandon de certains systèmes gourmands en main-d’œuvre ou par une obligation de mise aux normes sanitaires (comme la production fromagère en estive), il semblait condamné dans les années 1950.
Pourtant, avec la réorientation de nombreux troupeaux laitiers vers la viande ou la recherche de surfaces complémentaires en altitude pour les génisses laitières, ce mode de conduite qui permet de couvrir les besoins fourragers à un coût raisonnable, est relancé. Il rencontre alors un volontarisme public : la France se dote en 1972 d'une « loi pastorale » qui crée des outils adaptés : groupements de propriétaires en Associations Foncières Pastorales ou de jeunes éleveurs en Groupements Pastoraux. Progressivement, d’autres soutiens sont mis en place par l'État, l'Union européenne, les collectivités territoriales, les gestionnaires des espaces naturels (Parcs nationaux et régionaux, Office des forêts).
La profession est aussi à l’origine d’organismes spécialisés comme le CERPAM (Centre d'Études et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée) tandis que la PAC soutient notamment les systèmes pastoraux via les indemnités compensatoires de handicaps naturels. La modernisation des conditions de vie et de travail en montagne repose sur des programmes conséquents (rénovation et création de cabanes, parcs de tri, technologies photovoltaïques, héliportage, etc.).
De nouveaux enjeux
Les systèmes pastoraux présentant une rentabilité financière inégale et la vente de leurs produits ne couvrant pas toujours les frais de gestion (location des parcours, frais de transport, salaires de bergers…), les éleveurs cherchent à valoriser leurs élevages et leurs produits à travers la mise en place de filières de qualité pour les fromages ou la viande à l’image de l’AOC Mouton de Barège-Gavarnie dans les Pyrénées, circuits courts à direction des touristes, etc.) ou d'éventuelles diversifications artisanales et touristiques. L’accès aux ressources fourragères est également primordial surtout lorsque le statut foncier des terrains pastoraux est précaire, que leur utilisation est mal coordonnée ou menacée par l’urbanisation en plaine.
Si les effets du pastoralisme sont reconnus favorables sur l’environnement, l’entretien de l’espace et la prévention des risques d’incendie dans les zones sèches ou des avalanches dans les régions de montagne, notamment par les stations de sport d’hiver, ils ne restent néanmoins pas ou peu rémunérés et ne vont pas sans générer des contradictions et conflits entre usagers des espaces pastoraux : forestiers, chasseurs, randonneurs et pratiquants de loisirs, défenseurs de la nature, citadins en villégiature. La réintroduction d'espèces prédatrices du bétail (loup, ours, ..) engendre par endroits des dégâts dans les troupeaux et menace les systèmes transhumants.
Les éleveurs et bergers se sentent souvent dépossédés de leur territoire qu’ils ont largement contribué à façonner et les avis divergent quant aux possibilités de « coexistence » avec les prédateurs, d’aménagements des pratiques (gardiennage plus actif, diffusion de chiens de protection, mise en place de parcs électrifiés…) et d’indemnisations. Des efforts sont faits pour former les jeunes bergers aux nouvelles techniques et favoriser le renouvellement des exploitations. Ces préoccupations rejoignent la question de la valorisation du patrimoine pastoral via notamment la relance des fêtes ou l’aménagement de musées (une dizaine en France). Si ces animations sont indispensables, elles ne doivent pas faire entrer le pastoralisme dans la folklorisation et la seule économie des loisirs.
Note : Les illustrations, cartes et textes sont issus de L'Atlas de l'élevage herbivore en France aux Éditions Autrement. Ces éléments ne peuvent être utilisés pour un usage autre que personnel.
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