Quelle est la part de l’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre ?
Tout dépend du périmètre et de la méthodologie d’évaluation des émissions. En 2006, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation) annonçait que l’élevage contribuait à hauteur de 18% aux émissions de gaz à effet de serre, « soit plus que les transports ». Depuis, une étude de l’Université Davis de Californie (1) a montré que les deux secteurs n’avaient pas été comparés selon les mêmes méthodologies, l’élevage étant évalué selon un périmètre beaucoup plus large que les transports. En France, la part de l’élevage herbivore dans les émissions nationales brutes de gaz à effet de serre est actuellement de 13 % (dont part de l’élevage bovin : 11%) (2) mais finalement, c’est une donnée que l’on ne peut comparer au pourcentage d’autres pays car la part des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage dans un pays dépend aussi du poids des secteurs secondaires et tertiaire.
Deux points sont intéressants à noter cependant :
- Les bilans actuels de l’élevage ne tiennent pas compte du stockage de carbone dans le sol des prairies. Or, l’élevage est, avec l’agriculture et la forêt, la seule activité économique qui capte du carbone en même temps qu’elle en émet. Les 13 millions d’hectares de prairies et parcours montagneux valorisés par les herbivores stockent ainsi dans leurs sols autant de carbone que les sols de forêts, participant à la réduction des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
- En France, les émissions du secteur agricole ont diminué de 11 % depuis 1990. Cette réduction s’explique notamment par une baisse des émissions de méthane (CH4) liée à la baisse du nombre de bovins (-12% depuis 1990) et par les économies d’engrais minéral liées à une meilleure valorisation des engrais de ferme.
(1) Clearing the Air: Livestock’s Contribution to Climate Change. Maurice E. Pitesky,* Kimberly R. Stackhouse,and Frank M. Mitloehner†, US Davis California.
(2) Estimation 2009 de l’Institut de l’élevage sur la base des chiffres d’inventaire du Citepa (Centre Interprofessionnel Technique de l’Etude de la Pollution Atmosphérique)
L’élevage bovin en France concurrence-t-il l’alimentation humaine et contribue-t-il à la pénurie en grain sur le marché internat
Rappelons que les bovins sont des ruminants et qu’en France, ils sont encore principalement alimentés avec de l’herbe et des fourrages grossiers, qu’ils sont les seuls, avec les autres herbivores (ovins, équins, caprins), à pouvoir digérer. Cette aptitude particulière leur permet de valoriser des surfaces non cultivables (en altitude, pentues, ou inondables par exemple). Ainsi, l’herbe constitue, en France, 60 à 80 % des rations des ruminants et 20% du territoire national.
Pour l’équilibre de leur ration, celle-ci est complétée par des céréales et végétaux protéiques, notamment lors de la phase d’engraissement de l’animal, mais dans des proportions bien plus réduites que celle de 7 kg de céréales pour produire 1 kg de viande bovine. En France, les calculs effectués par l’Institut de l’élevage donnent les résultats suivants (3) : pour produire 1 kilo de viande bovine en France (origine laitière ou allaitante confondue), il faut en moyenne 3,74 kg de maïs fourrage (plante entière), 1,98 kg de céréales et coproduits (pulpe de betterave, drêches de blés…) ; 0,80 kg de protéines végétales et 25,33 kg d’herbe (que ce soit au pâturage, en foin ou en ensilage). Au niveau national, les ruminants utilisent 1.5 millions d’hectares de céréales, 2 millions d’hectares de maïs fourrage et 13 millions d’hectares de prairies.
(3) Institut de l’Elevage, juillet 2009 en kilo de matière sèche, en fonction des différents élevages fournissant la viande bovine en France que ce soit élevages spécialisés viande ou élevage laitiers
L’élevage bovin contribue-t-il à la déforestation ?
- Ce n’est pas le cas en France où la forêt a augmenté de 30 000 ha par an entre 1998 et 2004, reprenant notamment du terrain sur les prairies dans les zones de déprise agricole.
- Cela peut être vrai en Amérique du Sud, notamment au Brésil, où les zones de forêt de forêt amazonienne, sont soumises à une forte pression foncière, à la fois pour le commerce du bois, pour étendre les surfaces de pâturages destinées aux bovins, et pour cultiver du soja, destiné principalement à l’alimentation animale locale et mondiale. Des mesures de protection ont été mises en place récemment par le gouvernement brésilien pour obliger les éleveurs de la zone amazonienne à conserver une large partie de leur exploitation en forêt, les rendant responsables de sa protection.
- Pour l’élevage français, se pose donc la question du soja, qui est importé en Europe pour subvenir aux besoins protéiques des animaux (4) et qui peut être issu de terres nouvellement déforestées. L’ensemble des bovins (lait et viande) consomme ainsi 20 % des 4,5 millions de tonnes de soja importé en France (5), le soja et autres tourteaux protéiques (colza, tournesol) représentant en moyenne 6% de leur ration.
- Des alternatives au soja sont actuellement étudiées pour améliorer l’autonomie protéique des élevages français : enrichir les pâtures en légumineuses (trèfle, luzerne), remplacer les tourteaux de soja par ceux de colza ou de tournesol issu des usines françaises de production d’huile ou encore introduire du pois dans les rations. En parallèle, des filières d’importations de soja, tracées, socialement et environnementalement responsables sont en train de se mettre en place, notamment au sein de l’association Round Table on Responsible Soy Association (www.sgs.com).
(4) L’Europe est actuellement déficitaire en protéines végétales. Elle dépend à 75% des importations. La France l’est à 50%.
(5) Céréopa, 2005
L’élevage herbivore français est-il industriel ?
La FAO (6) appelle élevage industriel, un élevage sans lien au sol où l’alimentation du bétail est importée et les déjections animales sont exportées. D’après la FAO, ce type d’élevage ne représente que 10 % de l’élevage des bovins et ovins dans le monde. Il concerne, dans certains pays, une partie de l’élevage laitier et la phase d’engraissement ou de finition des bovins destinés à la production de viande (ces élevages sont appelés "feedlots" sur le continent américain). D'un point de vue environnemental, ces élevages sont d'ailleurs de plus en plus reconnus comme étant assez vertueux s'ils sont bien encadrés, notamment en matière de gestion des effluents et de protection de l'eau. En France, il n’y a quasiment pas d’élevage hors sol d’herbivores, y compris ceux qui sont spécialisées dans l'engraissement des jeunes bovins qui ont généralement, autour de l’exploitation, les surfaces nécessaires pour produire l’alimentation du troupeau et pour recycler les fumiers et lisiers. On peut trouver quelques élevages d’engraissement hors-sol dans le sud de l’Europe et en particulier en Espagne, pays qui s’approvisionne en jeunes bovins maigres français et les engraisse pour leur marché national.
(6) Définitions de Serre et Steinfeld, 1996
Est-il exact que produire un kilo de viande de bœuf revient à consommer 15 000 ou 70 000 litres d’eau ?
- L’eau dont il est question ici est « l’eau virtuelle », c’est-à-dire toute l’eau utilisée directement ou indirectement au cours du cycle de production de la viande. Cela inclut non seulement l’eau d’abreuvement, l’eau d’irrigation des fourrages et l’eau utilisée pour l’abattage et la transformation, mais aussi l’eau de pluie utilisée par l’herbe des prairies, le maïs fourrage et les céréales qui alimentent les animaux pendant tout leur cycle de vie.
- En éliminant du calcul cette eau-là qui n’entre pas en concurrence avec d’autres usages et qui aurait été de toute façon utilisée si ces surfaces avait été occupées par de la forêt, l’Institut de l’élevage estime à 200 litres l’eau nécessaire pour produire un kilo de viande de bœuf produit en France (incluant l’abreuvement, l’eau d’irrigation pour les fourrages destinés au bétail (7) et l’eau utilisée au cours du processus de transformation notamment en abattoir)
- L’élevage herbivore français est très peu consommateur d'eau pour l'irrigation, puisque moins de 1% des prairies et seulement 8% des surfaces cultivées en maïs fourrage sont irriguées. Ces surfaces représentent moins de 9% de l’ensemble des surfaces irriguées.
(7) 8 % des surfaces de maïs ensilage sont irriguées en France.