Le livre « Faut-il arrêter de manger de la viande ? » fait échanger deux contradicteurs sur la consommation de viande et le végétarisme. Le débat fait apparaître les ambiguïtés, et parfois les contradictions, du rejet radical de l’élevage et de la consommation de viande. Il ressort de leurs échanges, et ce n’est pas une surprise, un constat de profond désaccord.
Dans une première partie, deux auteurs aux opinions opposées - Elodie Vieille-Blanchard et René Laporte - écrivent successivement leur réponse à la question posée, puis, dans une seconde partie intitulée « Droit de réponse », commentent les arguments de la partie opposée. Le modérateur - Eric Birlouez - introduit le débat et le conclut en synthétisant les principaux sujets de dispute.
Elodie Vieille-Blanchard, professeure agrégée de mathématiques et docteure en sciences sociales, est depuis septembre 2013 présidente de l’Association végétarienne de France.
René Laporte, ingénieur agronome et économiste, est consultant sur la protection et le bien-être des animaux.
Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue, exerce une activité de consultant dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation.
Le monde a faim de viande
La contribution de René Laporte s’articule autour du constat selon lequel « le monde a faim de viande », tant du point de vue anthropologique que pratique. Le consultant rappelle ce qui, dans la longue histoire de l’humanité, explique pourquoi « l’homme garde dans son inné l’instinct du carnivore, c’est-à-dire tout à la fois le besoin et l’envie, le goût et le plaisir de la viande ». Mais il montre aussi à quel point cet aliment est précieux pour une population mondiale en fort développement. « Comment la viande, qui représente 11% des apports d’énergie et 19% des apports en protéines de la ration quotidienne de l’homme, peut-elle être accusée d’affamer la planète ? », s’interroge René Laporte, devançant ainsi les accusations dont l’élevage et la consommation de viande font parfois l’objet.
Sortons du modèle carniste
Elodie Vieille-Blanchard, elle, construit son propos à partir de son expérience intime. « Le modèle alimentaire dans lequel j’avais grandi s’est fissuré lorsque nous avons adopté un lapin nain », raconte-t-elle. Végétarienne « par tendresse pour les animaux » lorsqu’elle est adolescente, elle recherche à étayer son positionnement auprès du mouvement végétarien lorsqu’elle est étudiante. Devenue végétalienne et même végane (1), elle développe une vision militante du végétarisme, fondée sur une remise en cause radicale de l’élevage, qu’elle considère comme une « exploitation », et de la consommation de produits animaux, dont elle prône « l’abolition ».
Manger de la viande : droits de réponse
Le glissement du choix personnel à la promotion d’un modèle de société est vivement récusé par René Laporte. « En quoi être végétarien rendrait le monde moins violent et la société plus durable ? », s’interroge René Laporte avant de pointer les conséquences funestes qu’aurait, pour les populations pauvres « d’abandonner l’élevage, qui est souvent leur seule richesse et leur meilleur outil de développement ».
« Le choix du végétarisme est un choix intime, qui répond à des motivations profondes et peut difficilement être commandé de l’extérieur », précise Elodie Vieille-Blanchard au début de sa contribution. Une assertion qui, celle-là, fait l’unanimité.