Issu du colloque « La viande : fabrique et représentation »*, « Pour une histoire de la viande » regroupe les contributions d’une trentaine de chercheurs et enseignants réunis sous la direction de Marie-Pierre Horard et Bruno Laurioux, Des personnalités venues de divers horizons, aux profils différents, sociologue, archéozoologue, historien, théologien, ethnologue, géographe, agronome, économiste, chacune aborde le sujet avec ses compétences « Pour une histoire de la viande » détaillée et globale.
C’est cette complémentarité d’expertises qui nourrit le débat avec beaucoup de connaissances et d’arguments. Et leur imbrication rend la lecture à la fois précise, foisonnante et enrichissante.
Ce livre invite à découvrir comment nos façons de produire ou de consommer de la viande ont progressivement été fabriquées, à quel point elles sont multiples... Et c’est cette multiplicité des viandes qui, en définitive, fait la force de la viande.
Oscillant entre nourriture des dieux, essor de la consommation carnée puis crises récentes et « bidochemania », la viande qui a été au cœur des représentations symboliques est en fait un formidable révélateur de nos goûts et de nos aspirations.
En effet, au cours du temps, avec la domestication des animaux d’embouche, l’homme s’est approprié le monde animal à des fins de production ce qui a été un bouleversement majeur, aux conséquences multiples.
La production carnée s’est ainsi progressivement concentrée sur quelques espèces domestiques : le bœuf, le porc, le mouton, la chèvre puis la volaille. Une dynamique de consommation de viandes d’élevage qui s’est révélée un agent essentiel de l’histoire économique, sociale et culturelle de nos sociétés européennes depuis la Préhistoire.
Ce n’est donc pas un hasard « si les chercheurs en sciences humaines et sociales ont manifesté pour la viande un intérêt accru dans les dernières décennies, c’est aussi parce qu’ils tiennent là un sujet très actuel, une préoccupation sociétale ». D’où l’intérêt de cet ouvrage qui aborde tous les thèmes de l’actualité, fussent-ils en écho à des évocations historiques ou des prescriptions religieuses entourant la chair des animaux.
Cet ouvrage collectif à l’érudition universelle est à la fois très sérieux et semé d’anecdotes historiques. Entre ascèse et gastronomie, sphère médicale ou morale, Apicius nous livre des recettes tandis que Pline l’Ancien nous parle des cinquante saveurs de la viande de porc. Et au cours de ce long survol de l’histoire de la viande « le bœuf reste la référence culturelle majeure ».
En proposant des études de cas solidement documentées, des analyses subtiles sur des aspects méconnus de la consommation de viande et des réflexions pointues sur des pistes à explorer l’ouvrage remplit parfaitement son rôle d’agitateur d’idées et d’éveilleur des consciences. C’est là toute son utilité.
Et la conclusion coule de source : « La réappropriation de la viande par le mangeur contemporain s’impose. Elle passe aussi par le développement de filières de qualité qui, dans le grand mouvement actuel de patrimonialisation, reconnectent la viande à l’histoire de sa fabrique et de ses représentations. » Le sous-titre de l’ouvrage lui donne toute sa justification.
* Colloque « La viande : fabrique et représentation » organisé du 29 novembre au 1er décembre 2012 à Tours, pour l’Institut Européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, l’Université François Rabelais et le CNRS.
Pour une histoire de la viande
Fabrique et représentations de l’Antiquité à nos jours
454 pages