Les aventures de Donovan S.

Texte

Les aventures de Donovan S.
Le boucher qui était à deux doigts de conquérir le monde

Le sous-titre est assez explicite et donne déjà le ton de ce récit qui se révèle un brin loufoque. Les aventures de Donovan S. est un roman qui ne se prend pas au sérieux tout en assumant sans complexe un décryptage qui tient plus de l’univers du luxe que de la boucherie habituelle.

Les aventures de Donovan S

Il est ici question d’un artiste qui n’est pas loin d’être aussi un gourou et qui a besoin d’être autant entouré qu’admiré pour exercer son métier, ou plutôt utiliser son don, qui fait de lui un homme d’exception recherché par la jet-set. 

L’homme fait dans le sur-mesure avec maestria. Une gestuelle qui n’a d’égale que celle des plus grands couturiers. C’est même en son genre un styliste hors pair. Une rock star de la viande qui possède « toute une collection de redingotes... il les porte avec des cuissardes en cuir généralement noires, mais on n’est jamais totalement à l’abri du modèle fauve qui annonce soit le choix des beaux jours soit une humeur particulièrement enjouée ».

Est-ce parce que l’auteur, Virginie Nuyen a côtoyé l’univers du luxe qu’elle nous en restitue si bien quelques effluves et qu’on pourrait aisément transposer ce qu’elle applique à l’art de tailler un filet à celui des défilés en tailleur d’une grande marque de haute couture ?

Donovan c’est l’homme qui murmure à l’oreille des vaches. Ce n’est pas un homme comme les autres: « Je remarque que quand Donovan bouge, l’air se rafraîchit, sûrement sous l’effet de petites bouffées de talent qui s’échappent de sa personne ». Rien que ça !

Il suffirait de l’appliquer à certains noms de la haute couture pour que le portrait soit le même. Et c’est d’ailleurs ce qui fait le charme, et en quelque sorte l’ambiguïté du propos, la transposition à l’univers de la boucherie d’un monde codifié, celui des podiums de la mode, qui n’est en principe que luxe, calme (ça se discute) et volupté. 

Quel parcours pour ce fils de notaire de province devenu prince de la fourchette dont ses convives déclarent : « C’est pas compliqué, on a jamais, mais jamais, mangé une viande comme ça : fondante et puissante, savoureuse jusqu’à l’extase, irrésistible, addictive, inoubliable ». Le mot est lâché, ses clients sont addicts de la viande découpée et travaillée par Donovan. Une fois qu’on y a goûtée, on est définitivement accro.

Au point que « il retourne les actrices, businessmen et mannequins », y compris ceux qui se croyaient végétariens ! Il faut dire que personne ne lui résiste « Il est joyeux et solaire la plupart du temps, on veut lui faire plaisir, et puis aussi on veut manger de la viande ». Il a l’art et la manière de pratiquer son métier avec une sensibilité qui frise la sensualité : « Je regarde pendant près de quarante minutes les mains qui caressent et tranchent, les mouvements de la viande qui semble se trémousser sous les ordres tranquilles et assurés que le couteau de Donovan donne avec une grande distinction ».

Dans un subtil dosage entre comédie et ironie, l’auteur nous décrit un boucher-artiste qui se laisse porter voire dépasser par le succès. Du plancher des vaches, où il a encore la maîtrise de son élevage, dans un domaine situé entre les monts de l’Aubrac et la vallée de l’Argence, il part à la conquête du monde dans un avion conçu spécialement pour lui, grâce au soutien d’un mécène milliardaire et une chaîne d’hôtel qui sponsorise l’opération. Un jet privé lui est aménagé avec une cabine-étable pour qu’il puisse voyager tout en transportant son matériel, dont sa vache vedette qui lui sert de faire-valoir, aux côtés d’une actrice adepte de la viande d’agneau. 

Tout cela est narré avec un style vif, très direct, presque parlé, à un rythme endiablé, fait de courts chapitres où le lecteur n’a pas une minute pour s’ennuyer. La narratrice y met à la fois toute sa spontanéité, une certaine candeur, et on sourit maintes fois aux aventures de ce boucher pris dans le tourbillon d’une célébrité qui le dépasse. 

C’est d’une lecture facile, idéale en TGV ou dans le métro, pour sortir le nez de la grisaille et s’en payer une bonne tranche tandis que les vaches regardent passer le train. Avec Donovan, elles savent (les vaches) que leur sort est presque enviable et que « le passage de l’état de vache à l’état de steak s’appelle la sublimation ». 

Avec un tel programme, et un boucher comme Donovan qui « ne peut pas travailler s’il n’a pas pratiqué une heure de sport le matin pour remettre en place ses énergies et ouvrir ses chakras », la lecture de ce roman épique d’une époque hystérique ne peut qu’inviter à sourire.

Un mot sur l’auteur
. Virginie Nuyen
: après avoir exercé le métier de responsable de communication dans la banque puis le domaine de la culture, Virginie Nuyen a intégré le secteur du luxe, ce qui l’a visiblement inspirée pour son premier roman. Elle y associe avec bonheur des situations cocasses et une brochette de personnages décalés, dans un mix-grill social à l’humour saignant.

Texte

Les aventures de Donovan S. Les aventures de Donovan S.

 Auteur : Virginie Nuyen
 Editeur : NiL

 180 pages
 Date de parution : janvier  2019