Il y a quelques années, Hendrik Dierendonck a décidé d’ouvrir un restaurant à côté de sa boucherie. Ou plutôt, il a saisi l’occasion de prolonger son atelier-boutique d’un espace qu’il a ouvert au public en y installant des tables dans un environnement qui s’apparente plus à un loft et qui est devenu le concept de Carcasse, son restaurant boucher. L’idée a tellement séduit ses clients avec son décor hachoirs-couteaux-jambons et son équipe bien rôdée en cuisine, que le guide Michelin lui a décerné sa première étoile.
« D’éleveur de rouge-brune flamande et de boucher à chef d’occasion et exploitant de restaurant, en passant par fournisseur et maître du processus de maturation », Hendrik Dierendonck a réalisé son rêve qui est celui des consommateurs qui se pressent dans sa boucherie et son restaurant, après avoir entraîné dans son sillage quelques autres bouchers stars de la profession, comme Yves-Marie Le Bourdonnec et Didier Massot pour des « Battle of the Butchers », joutes ludiques « sur le fil de la lame ».
Une façon pour ces professionnels de faire la promotion de leur noble artisanat et de montrer au public quelle viande il mange, d’où elle vient, comment elle est découpée et transformée. « Pas de filet pur mais du pur rock’n’roll, un vrai plaisir », comme aime à le dire Hendrik Dierendonck.
En matière de viande c’est en réalité un éloge du vivant qu’il pratique au quotidien, dans son établissement où il découpe des morceaux de choix à déguster chez soi ou à consommer sur place. Car Hendrik Dierendonck est un artisan boucher doté « d’une énergie incroyable, animé par la volonté de redécouvrir les goûts d’antan ».
Le livre témoigne de cette passion que le boucher aux multiples casquettes et tabliers, cherche à faire partager. C’est ainsi que, selon sa philosophie qui s’exprime « from nose to tail » c’est-à-dire du nez à la queue, rien n’est jeté, tout est bon, pourvu que ce soit de qualité et bien travaillé. « Le travail ici s’apparente à celui de l’affineur de fromages ou du maître de chais. Les viandes finissent par développer des arômes uniques ».
Avec Carcasse, vous en saurez un peu plus sur les races bovines et sur la cuisson d’une entrecôte avec une pré-cuisson à 45-50°C suivie de 4 à 5 minutes de chaque côté sur un feu de bois brûlant. Travailler avec un peu de graisse de bœuf fondue et de gros sel avant de servir. Bon appétit !
C’est cette expérience totale que le lecteur est invité à suivre au même titre que les clients du restaurant. Le livre en est le prolongement naturel, il traduit sa vision de boucher sur l’avenir de la viande : « A moyen terme, on ne mangera plus la viande, on la dégustera comme un bon vin ou un fromage ».
Paradoxe revendiqué par ce boucher qui ne craint pas le choc des cultures et les oppositions, la cuisine de Carcasse s’accommode beaucoup plus des légumes que des frites. Mieux, les semi-végétariens voire les vrais végétariens peuvent aussi trouver leur bonheur, c’est du moins ce que professe Hendrik Dierendonck dans un souci de cohabitation pacifique ou d’une nouvelle ère qui verrait la viande sous un autre œil.
Les recettes font donc la part belle à ce goût du partage, celui de la table, du bien manger ensemble. Une convivialité non feinte, celle d’un vrai cocooning avec sa tranche de nostalgie. Il n’est qu’à découvrir le « Tartare de bœuf au foie gras râpé », la « Tête de veau en tortue » ou « l’épaule d’agneau de Lozère croquante » parmi la trentaine de recettes pour s’en persuader.
Ce boucher là a l’amour du beau et du bon chevillé au corps. Et ses accompagnements comme « Grenailles pétées au citron vert et à l’oignon rouge » explosent aux papilles. Sa « Mousseline de pomme de terre, sauce frite et sauce bordelaise », ses « carottes violettes cuites entières au lait battu » ou ses « asperges vertes grillées à la salsa verde et au parmesan » feront également le délice de tout gourmet, qu’il soit ou non amateur de viande, preuve de la générosité de ce boucher.
L’ouvrage s’impose pour cette vision iconoclaste d’une viande magnifiée dans toute sa simplicité, ce retour à la qualité première où « la force brute du boucher – une tête de veau doit pouvoir être servie à table et on peut sans scrupule la manger avec les doigts – s’accorde ici avec le nécessaire raffinement du chef. ».
The Butcher’s Kitchen
CARCASSE
Auteur : Hendrick Dierendonck
Editions Cannibal
Format : 270 x 230 mm (180 pages)
Date de parution : 2018